Madame,
Voilà un an que je n’étais pas retournée dans le Luberon, chez les amis de Madame. C’est avec beaucoup de plaisir que je retrouve cette région magnifique au plein cœur de l’été. Mais contrairement à l’an passé (voir épisode n°33 - Carte postale), où j’avais surtout eu affaire à Monsieur, c’est Madame qui, cette fois, s’occupe de moi au quotidien. Je dois l’appeler « ma tante » ou « tante Jacqueline », selon les circonstances. A tout prendre, je me demande si je ne préférais pas « oncle Louis », en dépit de ses drôles de manies, car elle est beaucoup plus sévère. Presque autant que vous, si vous me permettez la comparaison.
Mon arrivée a donné lieu à un examen approfondi de ma garde-robe. Malgré les circonlocutions d’usage sur le bon goût de son amie Alexandra, j’ai rapidement compris que rien ne convenait à « ma tante », que « tout cela était certainement très bien sous le climat anglais » mais que nous étions en France et en été, bref qu’elle me voulait différente. A vrai dire, je m’étais préparée à une telle réaction de sa part. Oncle Louis m’avait déjà fait un numéro du même genre, l’an passé.
De fait, en à peine une journée, j’ai été totalement « relookée ». L’opération a été menée au pas de charge. Rendez-vous le matin même chez le coiffeur. Coupe sage au carré, façon France Gall dans les années soixante. Vous vous rappelez ? Mais si, « Les sucettes » de Serge Gainsbourg, « Annie aime les sucettes, les sucettes à l’anis… ». Suivi d’une séance d’épilation intégrale dans un institut de beauté (« Tu es encore bien trop jeune pour avoir des poils »). Cela me donne un air mutin et provocant qui me plait beaucoup. A croire que tante Jacqueline a lu dans mes pensées.
Côté habillement, rien que des vêtements très légers et faciles à porter. Des petites jupettes corolle qui se gonflent comme des ballons au moindre coup de vent et qui semblent avoir été conçues pour pouvoir être relevées en un tour de main si nécessaire. Quelques robes paysannes en cotonnade également, boutonnées sur le devant par une kyrielle de petits boutons. De quoi mettre à rude épreuve la patience de ceux qui voudront m’effeuiller. C’est sans doute le but recherché. Je ressemble à une adolescente de David Hamilton.
Pour mes dessous, nous avons fait nos emplettes dans le même magasin que l’année dernière. La vendeuse m’a tout de suite reconnue. Elle m’a adressé un clin d’œil enjoué. Dans le genre « alors, on y prend goût ! ». J’ai fait semblant de ne pas comprendre. Nous sommes ressorties avec un lot de culottes hautes Petit Bateau en coton blanc agrémentées de picots élastiques en dentelle au niveau des cuisses et de la taille. A priori pas sexy pour deux sous. A moins que le comble de la perversité ne soit de détourner les tenues apparemment les plus sages. Ce serait bien dans le genre de tante Jacqueline. Elle a l’air d’en connaitre un rayon en matière de lingerie. Et aussi dans ceux d’oncle Louis. Du coup, je comprendrais mieux son insistance pour me faire porter des brassières plutôt que des soutiens-gorges. Histoire de laisser entendre que ma croissance n’est pas terminée et que ma poitrine est à peine éclose. Tout lui parait bon pour me rendre désirable.
A la fin de la journée, j’étais donc parée de pied en cap. Et, de retour à la maison, couverte de compliments sur mes nouvelles tenues :
- Tu seras très mignonne comme ça.
- Vous avez fait des folies pour moi, tante Jacqueline.
- Mais non, c’est bien naturel.
- Je ne sais pas comment vous remercier !
- C’est inutile, et puis, tu sais, je pourrais te gâter davantage si tu me rendais visite plus souvent.
- Oh, ma tante, c’est déjà bien assez !
- De toute façon, il te fallait impérativement des vêtements d’été.
Elle a beau me noyer sous un flot de paroles lénifiantes, je ne suis pas dupe. Ma présence pèse d’un poids non négligeable dans sa stratégie. D’abord, je pallie en partie l’absence de son personnel de maison, en congé durant cette période. Autrement dit, mes soi-disant vacances n’en sont pas vraiment. Le boulot de tous les jours, c’est sur moi qu’il retombe ! Ensuite et surtout, elle m’a fait venir pour servir d’appât à oncle Louis, afin qu’il se tienne tranquille. Je suis comme une chevrette docile, contrainte de rester attachée à son piquet. En lui fournissant par ma présence l’occasion de se « distraire », elle le retient auprès d’elle en l’empêchant d’aller batifoler ailleurs, si jamais l’idée lui venait à l’esprit. Du coup, elle se sent rassurée. Elle peut dormir sur ses deux oreilles.
L’efficacité de ce plan dépend étroitement de ma contribution. Il faut que je paie de ma personne. Ma tante y veille attentivement. Je dois être en priorité à la disposition de mon oncle. Matin, midi et soir. Je devrais plutôt dire à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Tous les prétextes lui sont bons pour m’envoyer dans sa chambre. Petit déjeuner, passage de l’aspirateur, nettoyage de la salle de bains, repassage… Et à chaque fois, bien sûr, oncle Louis, ravi de l’aubaine, me fait subir un pelotage en règle. Il adore déboutonner ma blouse par-devant et glisser ses doigts sous l’élastique de ma petite culotte. Et je ne vous parle pas des fois où il est plus en forme. Où je dois me mettre à genoux pour le sucer pendant qu’il lit son journal, calé confortablement dans son fauteuil, les jambes écartées. A moins qu’il ne préfère me prendre en levrette lorsqu’il me découvre accroupie en train de faire le ménage.
L’objectif fixé par tante Jacqueline est donc largement atteint. Et même dépassé. Car mes tenues aguichantes ne manquent pas d’être remarquées. Apparemment, l’information circule très vite. C’est incroyable le nombre de livreurs, facteurs, coursiers, représentants et autres démarcheurs, qui sonnent à la porte pour les motifs les plus futiles, dans l’espoir de m’entrapercevoir, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Bien entendu, juchée en haut de mon escabeau ou à quatre pattes dans la cuisine, je leur offre le meilleur de moi-même. Le spectacle a l’air de leur plaire.
Je le fais exprès, pour les exciter, mais il m’arrive aussi de ne pas y penser, prise par mes occupations. Car je m’active du matin au soir. Solignargues ne désemplit pas d’invités qui se succèdent tout au long de la saison. Il y a toujours quelque chose à faire. Tante Jacqueline ne me laisse aucun répit. Naturellement, elle exulte de joie chaque fois qu’elle découvre quelque chose qui ne va pas. La sanction est immédiate. Fessée magistrale en travers de ses genoux, de préférence en public, pour me faire honte (« Je ne regrette pas ces petites jupes-corolles, elles sont vraiment pratiques ! »). Ou bien martinet, courbée sur le plateau de la table de la cuisine ou de la salle à manger. Immanquablement suivis de pénibles stations en pénitence dans le hall d’entrée (« Tu sais que tu es encore plus mignonne avec des fesses bien rouges ! »). Pour rien au monde, oncle Louis ne manquerait ces séances de punition. Son assiduité est remarquable.
En fait de vacances, mon séjour est donc loin d’être de tout repos. Les moments de liberté me sont comptés. Tout au plus tante Jacqueline m’octroie, de temps en temps, quelques moments de liberté quand elle y pense. Mais c’est toujours sous conditions. Si j’utilise la piscine par exemple, il faut que je prenne mon bain entièrement nue et que je me sèche ensuite au soleil, allongée sur un transat face aux fenêtres de la chambre de mon oncle. Les yeux mi-clos, aveuglés par la lumière, je devine sa silhouette derrière les lames des persiennes et son regard qui me transperce tout entière.
Il y a aussi une autre raison pour laquelle ma présence est appréciée. Tout le temps que je consacre à son mari permet à tante Jacqueline de vaquer à ses petites affaires. Son passe-temps à elle, ce sont les beaux jeunes gens, de préférence bien membrés, qu’elle se charge d’éduquer à sa façon. Elle n’a aucun mal à s’accorder leurs faveurs. C’est une très belle femme, aux formes admirables, généreusement dotée par la nature. Avec une poitrine de rêve, ferme et opulente, offerte comme une tentation. Qui sait jouer avec subtilité de la palette de l’autorité et du charme. Et s’imposer en toutes circonstances par une maîtrise totale de l’art de la séduction. Initiatrice tour à tour autoritaire et rassurante, elle est tout à la fois la maîtresse qui commande et la maman qui réconforte.
Sa garde-robe témoigne de son inclination pour la lingerie rétro et plus généralement pour toutes les tenues qui mettent en valeur les attraits de sa féminité. Il faut dire qu’elle sait en jouer divinement. En l’observant adopter des pauses glamour, j’ai l’impression de feuilleter un catalogue de photos de Dita Van Teese. D’abord surprises, mais rapidement fascinées, ses victimes ne tardent pas à se sentir comme anesthésiées. Je sais de quoi je parle car je suis souvent autorisée à rester dans sa chambre lorsque je lui conduis un visiteur.
- Eh bien, grand bêta, approche-toi, je ne vais pas te manger !
Les rideaux sont tirés. Une lumière ambrée baigne la pièce. Elle est debout devant son lit déjà à moitié défait. Les paroles d’une chanson de Dalida me reviennent à la mémoire…
- Il venait d'avoir dix-huit ans, il était beau comme un enfant, fort comme un homme…
… en même temps que les images de Mrs Robinson en train de séduire Benjamin, le petit ami de sa fille, dans « Le Lauréat ».
Sous son négligé de soie entrouvert, elle porte un ensemble de couleur chair. Un peu démodé mais terriblement séduisant, comme les femmes en portaient autrefois. D’un rose tendre et diaphane qui se confond avec la coloration de sa peau. Un soutien-gorge sublime. Des seins bien séparés et tendus comme des obus. Qu’elle sait faire saillir encore davantage lorsqu’elle replie les bras dans son dos pour le dégrafer.
Elle le dévore des yeux. Rapproche son visage du sien. Attire son regard sur le grain de beauté qu’elle porte à la commissure des lèvres.
- Quel âge as-tu ?
Il sent son souffle sur son cou. Elle l’appelle « mon petit ». Et lui tapote la nuque comme si elle flattait l’encolure d’un chien.
Ses hanches sont magnifiquement moulées dans une gaine-fourreau. Prolongée par les larges rubans des jarretelles qui retiennent ses bas...
… Bon, il serait sans doute plus sage que je m’arrête là, je suis censée vous écrire une carte postale !
J’ai bien noté de rapporter à Madame des fruits confits de Carpentras. J’ai eu l’occasion de les goûter, ils sont excellents.
J’adresse à Madame mes pensées les plus affectueuses. Avec mon meilleur souvenir du Luberon.
Béatrice
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