Béatrice ou l'éducation d'une jeune soubrette

53 01Pour un début, je n’étais pas trop mécontente de moi. Mon plan se déroulait conformément aux prévisions. C’était peu dire que j’avais réussi à déstabiliser mon interlocuteur. Manifestement, il ne s’y attendait pas. Mais nous n’en étions encore qu’à l’échauffement. La partie était loin d’être finie. Il fallait que je tienne la distance. Le temps me semblait cependant venu d’accélérer légèrement le rythme. Je ne pouvais tout de même pas m’arrêter en aussi bon chemin.  

- Et puis, je… je…

Je fis semblant d’hésiter, de buter sur les mot53 02s, de regarder désespérément autour de moi, les yeux hagards, comme une naufragée en perdition cherchant une bouée, un quelconque appui où m’accrocher, dans l’idée que mon confesseur, apitoyé, se précipiterait à mon secours.

- A quoi bon dis53 03simuler vos fautes, mon enfant ? Si le malade rougit de découvrir sa plaie au médecin, la médecine ne peut pas soigner ce qu’elle ignore.

Mon désarroi était en fait totalement simulé. J’entendais que ce soit J. B. lui-même qui m’invite à m’accuser d’autres péchés afin d’éprouver la satisfaction perverse de l’observer se prendre au piège que je lui tendais. Le stratagème fonctionna au-delà de mes espérances.

- Ne craignez rien, ma fille, je suis ici pour vous aider… lancez-vous… l’aveu est d’autant plus libérateu53 04r qu’il est difficile à exprimer… mon rôle n’est pas de vous juger mais de vous écouter…

Bingo ! La voie était libre. Le voilà maintenant forcé de m’entendre jusqu’au bout. Je n’avais plus qu’à improviser brillamment. Le sujet était indifférent pourvu que l’objectif soit atteint. Le placer en position53 05 d’infériorité. Oui, c’est ça, en renversant les rôles, afin qu’il soit à son tour dans la situation du coupable. Comme un voyeur obscène surpris en train d’épier à travers le trou d’une serrure.

- Eh bien voilà, je rêve fréquemment que je contrains William, mon petit ami, le neveu de Madame, à me regarder faire l’amour avec un inconnu. La scène se déroule dans la chambre rouge, celle avec un immense lit à baldaquin en son milieu. La lumière est feutrée. J’ai solidement ligoté William sur une chaise dans un coin de la pièce. Il s’est laissé faire sans résistance. Peut-être imagine-t-il que je lui prépare un de ces nouveaux jeux érotique53 06s dont j’ai le secret. Son regard amusé épie le moindre de mes gestes.

C’est alors que l’inconnu jaillit, nu, de derrière un paravent et vient me toiser de toute sa hauteur. La tension du désir illumine ses prunelles, hérisse le grain de sa peau, et raidit ses membres. Il m’effleure à peine et déchire brutalement le53 07s pans de mon chemisier, emporté par l’envie irrésistible de me posséder. Par-derrière, j’observe William s’agiter dans tous les sens, les yeux exorbités. Le scénario en cours n’est sans doute pas exactement celui qu’il avait entrevu. Je me fais la réflexion que j’ai eu bien raison de prendre la précaution de le bâillonner. Je m’apprête à le provoquer encore plus en m’approchant de lui pour glisser ma main au niveau de son entrejambe et pour caresser le renflement qui gonfle sous le tissu de son pantalon. Mais l’inconnu s’y oppose. Il est dans tous ses états. Je prendrais sans doute des risques inconsidérés si je l’empêchais de conclure. Mon excitation s’intensifie à la vue de ce beau mâle en rut…

- Alors ?   53 08 

- Alors je me dis qu’il ne faut pas laisser filer une occasion exceptionnelle. Deux d’un coup, c’est tellement rare ! Je vais d’abord m’occuper du bel inconnu. Il a bien mérité quelques minutes d’attention. Il est plus que beau, il est magnifique. Un véritable ét53 09alon. Dans l’état où il est déjà, je n’aurai pas besoin de     l’encourager. Je suis même sûre qu’il va me     faire jouir comme personne. Qu’il saura se retenir de prendre son plaisir tant que je n’aurai pas été comblée de toutes les caresses dont il est capable. Jusqu’à ce que j’en perde la raison.

- Et par la pensée, vous commettez le péché de chair, c’est bien cela ?

- Oui, tout à fait, mon rêve et la réalité ne font pl53 10us qu’un, à l’image de nos deux corps qui s’embrasent. J’ai le dos cambré, la pointe des seins dressée, la respiration saccadée, les joues en feu, les yeux révulsés. Des… Des…

- … Continuez, mon enfant, continuez…

J. B. retira ses lunettes et s’essuya furtivement les tempes av53 11ec son mouchoir de baptiste.

- … Des gouttelettes de sueur sillonnent mon front. Je dodeline de la tête dans un délire ponctué de cris et de gémissements. Je voudrais tout à la fois que le temps s’éternise et s’arrête. Mais brusquement, je reprends mes esprits.

- Dieu soit loué, j’en étais persuadé ! Votre conscience intervient in extremis pour vous sauver. Elle vous adjure de ne pas faire un pas de plus sur le chemin glissant du vice et de la luxure…

- Euh…

- … Mais si, c’est très clair ! Ce sursaut de lucidité traduit le remords que vous éprouvez.

- Vous croyez ?

- Bien sûr, la contrition est une détestation du péché commis alliée à la résolution de ne plus fauter à l’avenir.

- Oh non, pas du tout, vous n’y êtes vraiment pas, mais alors pas du tout ! Vous savez quoi ? Je réalise simplement que William est là, tout à côté, ligoté sur sa chaise, dans un état d’excitation que vous ne pouvez pas imaginer. Je me dis qu’il a assez attendu comme ça, que c’est maintenant à son tour d’en profiter, et que j’aurais bien tort de le laisser refroidir !

 

Jeu 6 jun 2013 Aucun commentaire